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cabane d’édition et d'improvisions multimédiates

« Un temps pour jeter des pierres, et un temps pour les ramasser. » 
Ecclésiaste, 3,5.

 

LE 25 SEPTEMBRE 1974, le guitariste Robert Fripp convoqua une conférence de presse, au cours de laquelle il annonça à la surprise générale la dissolution du groupe de renommée mondiale King Crimson dont il était le leader historique. Interrogé quelques jours plus tard par Melody Maker, le musicien déclara que les dinosaures du vieux monde avaient fait leur temps et qu’ils étaient condamnés à disparaître au profit de « petites unités mobiles, indépendantes et intelligentes », semblables à celle qu’il se proposait désormais de substituer à son groupe-mamouth — à savoir lui-même, Robert Fripp…

Pour Gilles Deleuze et Félix Guattari, « la figure moderne n’est pas celle de l’enfant ni du fou, encore moins celle de l’artiste, c’est celle de l’artisan cosmique. »
Guattari a en outre forgé le concept de chaosmose (néologisme emprunté à Joyce), désignant notamment l’osmose paradoxale du chaos et d’une forme organisée, au principe de notre appréhension subjective du monde — comme de toute œuvre d’art.

« L’artisan chaosmique » pourrait donc se définir comme le facteur d’art émancipé des normes transcendantes, travaillant « sans filet », forgeant ses instruments et frayant ses circuits. Attaché à peindre le monde sur soi, plutôt que soi sur le monde, il oeuvre à développer des territoires existentiels plutôt que des marchandises culturelles, et des lignes de fuite plutôt que des perspectives de carrière. Ses ouvrages ont une dimension autopoïétique, dans la mesure où ils génèrent leur propre système de (re)production et leurs propres protocoles d’invention.

Le pouvoir confiscatoire de l’industrie culturelle est au principe d’une infantilisation générale des écrivains — désormais coachés, paternés, primés, évalués, étiquetés, cotés, récompensés, répudiés… La course aux prix tient lieu de vie littéraire, les « palmarès » prolifèrent, et la liste des meilleures ventes ou le buzz médiatique sont devenus des critères objectifs d’appréciation de la valeur artistique des ouvrages. Rejeton postmoderne de la marchandisation de l’art, l’art de la marchandisation tend aux consommateurs son miroir culturel ironique.

« Pas de vagues ! Juste des vogues... », raillait à bon droit Guattari, appelant à résister à ce néo-conformisme et à cette réification galopante en concevant des ilôts résiduels de volontés libératrices, « agencements alternatifs de production de subjectivité capables de s’articuler, sur un mode différent de celui de la reterritorialisation conservatrice, aux révolutions moléculaires qui travaillent notre époque.»
L’écosophe préconisait en particulier « la miniaturisation et la personnalisation des équipements, [ainsi que la] re-singularisation des moyens d’expression machiniquement médiatisés », soulignant par ailleurs que « les nouvelles technologies sécrètent, dans le même mouvement, de l'efficience et de la folie. Le pouvoir grandissant de l'enginerie logicielle ne débouche pas nécessairement sur celui de Big Brother. Il est beaucoup plus fissuré qu'il n'y paraît. Il peut exploser comme un pare-brise sous l'impact de pratiques moléculaires alternatives. »

L’ambition éthico-esthétique de ma petite unité mobile, indépendante et intelligente est d’envisager le livre, non plus seulement comme une marchandise culturelle, mais comme une production de subjectivité re-singularisante, couplée à un agencement collectif d’énonciation — d’intégrer en somme le geste éditorial au geste artistique lui-même.

La création de L'ARTISAN CHAOSMIQUE ne tient pas du drop-out (sortie de route, repli ou retraite érémitique.) Elle s’envisage au contraire comme une opportunité supplémentaire et joyeuse de partager des écrits rétifs à la cohue éditoriale, à l’assujetissement des auteurs, à la compétition médiatique et aux lois dinosauriennes du marché. Elle me permet en outre d’exhumer des ouvrages aujourd’hui épuisés ou indisponibles, et de publier des textes demeurés inédits. L’essentiel reste à mes yeux que l’écrit puisse parvenir à ses destinataires, faute de quoi il ne serait que compulsion graphomaniaque. Il en va de surcroit de mon indépendance et de ma liberté d’artiste, lesquelles supposent en particulier la possibilité de continuer à emprunter des chemins de traverse, généralement tenus pour obsolètes, marginaux ou mineurs par la cartographie marchande majoritaire.

Comme le note François Bon, auteur grand précurseur en matière d’édition émancipée (remue.net, Tiers Livre éditeur), « c’est bien de notre irréductible liberté de chercheurs et d’inventeurs qu’il est question. Ce qu’on décide aujourd’hui, en nous appropriant en tant qu’auteurs les outils professionnels les plus pointus de fabrication et de diffusion, c’est […] de nous replacer dans l’histoire même du livre, ce qu’il éveille et ce qu’il trouble. »

Enzo Cormann — décembre 2021

 

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L’ARTISAN CHAOSMIQUE


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Pour les ouvrages imprimés, le recours à un dispositif de POD (Print On Demand) me permet de contourner les obstacles du financement initial et de la gestion de stock, tout en produisant des livres de belle facture, typographiquement irréprochables et d’une qualité technique égale à celle des ouvrages commercialiés par les maisons d’édition.

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